Le convoi avançait au rythme des boeufs.
Forte d'une quinzaine de chariots, les commerçants qui le composait espéraient d'énormes bénéfices de ces voyages aux confins du continent.
Les multiples haltes faites aux fermes fortifiées étaient toujours propices à de bonnes affaires.
Les fermiers étant très gourmands des nouvelles venant des villes, l'accueil était particulièrement chaleureux.
La caravane pour sa protection était accompagnée d'une dizaine de guerriers sous la houlette de Darfaya. Ce mercenaire hautement professionnel était réputé pour le sérieux de sa troupe et les brigands de grand chemin devaient être parfaitement motivés pour s'attaquer à un convoi dont il assuré la protection.
Sayanel et Azhachin faisait partie du voyage.
En effet les rencontres étaient parfois plus exotiques et les dons des marcheurs étaient recherchés.
Ils n'avaient pas de rôle définit, oscillant entre celui d'éclaireur et celui de combattant.
Quelques broutilles étaient survenues lors desquelles Sayanel n'avait pas jugé utile d'intervenir laissant cela aux hommes de Darkfaya que l'ennui rendait nerveux.
Ce défouloir était bienvenu pour eux.
Le soir tombait et le camp avait été dressé aux abords d'une ferme fortifiée d'une communauté de fermiers.
C'était soir de fête et Sayanel avait donné sa soirée à Azhachin.
Ce dernier avait donc décidé de visité un peu l'ensemble de cette ferme imposante. Les étables étaient bien tenues. Les granges étaient pleines en prévision de l'hiver. Des tables avaient été dressées dans la cour et tout le monde festoyait.
Azhachin avait pris un morceau de pain et un de fromage. Il se trouvait dans la dépendance abritant la forge et regardait le maître des lieux travailler sur un soc de charrue.
Absorbé par la magie du feu et des étincelles, Azha ne remarqua l'arrivée d'un groupe de jeunes qu'au dernier moment.
Un d'eux plus trapu que les autres, sculpté par les travaux aux champs s'avança.
- Josh t'a vu, tu m'a volé ma bourse!!! rend-la!!!
- Je ne sais pas de quoi tu parle. Je n'ai rien volé du tout.
- Une bourse de cuir avec un lacet vert, çà ne te dit rien? Voleur!!!
- Non.
- Tu préfère la manière forte? Bien, cela va m'amuser l'avorton.
Le fermier avait une barre de fer à la main et à sa manière de la tenir, Azhachin comprenait qu'à défaut de savoir la manier, le jeune paysan avait la force nécessaire pour en faire une arme dangereuse si elle touchait sa cible...
si elle touchait.
Le mouvement n'avait pas été assez rapide, dès que le poignet avait commencé à bouger, Azhachin savait comment serait porté le coup.
Au moment adéquat, il fit un pas de côté laissant passer la barre à une vingtaine de centimètres de lui. De sa main droite il saisit le poignet armé tandis qu'il frappait de la gauche sur le coude tendu de son adversaire faisant retentir un craquement qui ne présager rien de bon pour le rendement du jeune homme pour les prochaines semaines.
Il enchaîna immédiatement en passant dans le dos du malheureux en infligeant une manchette de la même main sur la gorge sans défense et en agrippant tout de suite le tissu de l'épaule droite en relançant son partenaire de jeu à bout de bras le remettant de face.
Il termina son mouvement en faisant basculer ce dernier sur sa hanche et en l'envoyant bouler parmi ses camarades.
La scène n'avait duré que quelques secondes, le temps de trois coups de marteau sur l'enclume.
- Je n'ai pas ta bourse car je ne l'ai pas volé. Maintenant s'il y a encore des volontaires, je n'y vois pas d'inconvénient, mais je préférerais pouvoir aller profiter de votre accueil si ... chaleureux à table.
Il y eu un moment de flottement tandis que les six garçons jaugeaient la situation.
D'un même geste, ils décidèrent de tenter leur chance et se jetèrent sur lui.
Azhachin n'avait rien contre eux et ses récentes compétences acquises au prix de sueur, de sang et de larmes n'avaient pas à être employées à corriger des gens dans l'erreur.
La voie du Marcheur d'ombre lui donnait la liberté du choix de ses actions.
Sa décision fut prise au premier geste de la bande.
La vapeur noire s'enveloppa tandis qu'il s'effaçait et passait dans l'Umbra.
Les jeunes s'arrêtèrent instantanément ne comprenant rien à ce qu'ils venaient de voir. Le forgeron souriait de la scène.
Azhachin était perché sur une des poutres de la pièce, immobile, regardant ses adversaires déconfits le chercher derrière les caisses et les planches avant de quitter la pièce en fulminant et en traînant leur collègue au bras désarticulé.
"Je ferais bien de passer le reste de la soirée avec les gardes de la caravane moi..."
Invisible il passa le mur d'enceinte et rejoint les guerriers qui pour certains s'entraînaient au maniement de l'arc.
Sayanel n'avait pas bougé du coin sombre de la forge d'où il avait observé l'intégralité de la scène.
Le forgeron avait quitté son établi et Sayanel descendit de son perchoir en souriant.
Il déposa une bourse de cuir marron avec un lacet vert sur une table proche avant de disparaître...